J'ai créé ce blog pour parler d'un problème avec lequel je vis, mais dont il est quasi-impossible de parler en public (en même temps c'est pas comme si j'avais envie de le crier dans un mégaphone tous les matins).
Je crois que je suis une femme FRIGIDE. Je le dis du bout des lèvres, car le dire c'est "avouer", et déjà renoncer à avoir une sexualité normale.
* QU'EST-CE QUE LA FRIGIDITÉ ?
Dans le langage commun, c'est une femme qu'on désignera par des termes du type "baise comme une planche", "étoile de mer", "glaçon", "mal baisée" etc. etc.
ça craint un max |
"La frigidité (du latin frigidus) est une dysfonction sexuel caractérisée par un manque ou une absence de désir sexuel ou de libido,
durant une certaine période. Considérée comme un trouble, elle peut
être causée par une détresse ou des difficultés interpersonnelles et
n'est en aucun cas causée par un trouble mental, une substance (légale ou illégale) ou autre condition médicale.
La frigidité est montrée sous le terme de « troubles sexuels et de l'identité sexuelle » dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV).
La
frigidité peut être générale (manque général de désir sexuel) ou
occasionnelle (quelque période de désir sexuel, mais manque de désir
avec un partenaire actuel), et peut durer pendant une période spécifique
(frigidité développée après une période sexuelle normale) ou durant
toute une vie."
Cette définition peut laisser perplexe.
* Déjà c'est une "dysfonction" donc ça n'est pas "normal", c'est pathologique.
*
Ensuite on nous apprend qu'elle n'est en AUCUN CAS causée par un
trouble mental ou une condition médicale... Et là si toi aussi t'es
frigide, tu commences à flipper parce que "ni mental ni médical", ça veut dire qu'on se situe où?? qu'on va nous envoyer vers quel docteur? et pour quel traitement? visiblement aucun...
*
Pour continuer, ce n'est "pas causé par un trouble mental", par contre
c'est quand même classé dans le DSM IV, une sorte de manuel de
psychopathologie, pour tout bon psychiatre / psychologue qui se
respecte. Donc QUAND MÊME on t'oriente plus vers des "psy" que vers des
médecins ou des traitements médicaux.
*
Et pour finir, on te dit que ça peut durer un temps, ou TOUTE LA VIE.
En gros, bon courage! Si t'as de la chance, ben ça va disparaitre
demain, ou bien peut-être que tu vas devoir vivre ça comme une FATALITÉ.
Comme une MALADIE (puisque c'est pathologique), dont on ne sait rien,
dont on ne peut rien t'apprendre, et pour laquelle on ne te donnera
aucun traitement. On ne pourra même pas te dire combien de temps tu
l'auras, et si c'est grave ou pas.
Voilà donc le bilan, un flou artistique général. On sait ce que tu as, ou plutôt ce que tu n'as pas, mais personne n'a aucune idée d'où ça vent ni comment le soigner...
* DES TRAITEMENTS ? MAIS POUR QUOI FAIRE?? "LOL"
Dans
le reste de la page Wikipédia on nous apprend qu'à l'origine, parmi les
troubles sexuels, on trouvait dans le DSM l'Impuissance ET la
frigidité. Sauf que voilà, pour l'impuissance (pour avoir rencontré des
hommes impuissants, je sais que c'est très difficile à vivre aussi), on a
quand même pas mal avancé, on t'envoie chez un médecin, qui te propose
différents traitements, et AU PIRE il te reste la "solution" du Viagra.
T'as déjà vu une campagne pour soigner la frigidité à la TV toi??
Pour les femmes, je ne sais pas si c'est parce que ce trouble ne se "voit pas", ou si c'est parce que le plaisir féminin est très mal connu, mais il n'existe pas de traitement équivalent pour nous.
Pour
la femme, le traitement est FORCEMENT"psychique", le problème est
forcément "dans sa tête". Alors j'ai deux choses à dire à ça : 1) déjà
pour les hommes AUSSI le problème peut venir d'un certain stress, ou
d'une pression de la performance, 2) pour les femmes AUSSI, la solution
peut-être médicamenteuse (aide à la lubrification, etc).
* LE PLAISIR : PAS UNE AFFAIRE DE FEMMES
J'ai
été très choquée de lire récemment que si la pilule contraceptive pour
hommes n'était pas encore commercialisée, c'était - entre autres - parce
qu'on essayait de faire en sorte que cette dernière n'influe pas sur
leur libido...
Et
nous?? Depuis quand la pilule contraceptive existe-t-elle pour les
femmes?? Pourquoi est-ce qu'on ne se soucie pas du tout de l'entrave
qu'on doit subir??
Mon message aux chaines pharmaceutiques ... |
Ayant
changé de moyen de contraception récemment, j'ai pu tester moi-même et
me rendre compte que c'était une partie du problème. Si je pouvais je
m'en passerais : en plus d'avoir un gros effet sur mon humeur générale
(en fait ma pilule me rendait quasi déprimée en permanence avec des pics
une fois par mois, NORMAL), elle a aussi un effet sur ma libido (évidemment puisque ça touche aux hormones).
Je crois que dans l'imaginaire des pharmaceutiques et des gynécologues, on n'imagine pas que la femme "NORMALE" puisse avoir des désirs, des envies, qu'elle aime le sexe et qu'elle aie envie de s'envoyer en l'air, de baiser. Pas par amour de son conjoint, pas pour faire des enfants, mais pour prendre son pieds, pour s'éclater, pour jouir.
Je crois que dans l'imaginaire des pharmaceutiques et des gynécologues, on n'imagine pas que la femme "NORMALE" puisse avoir des désirs, des envies, qu'elle aime le sexe et qu'elle aie envie de s'envoyer en l'air, de baiser. Pas par amour de son conjoint, pas pour faire des enfants, mais pour prendre son pieds, pour s'éclater, pour jouir.
Ben
oui, nous les femmes nous sommes toutes de petites choses fragiles, on
est pas capables de savoir ce qui nous fait plaisir...
Automatiquement
une telle femme sera classée dans la catégorie des "chaudasses", des
"salopes", des "nymphomanes", en tout cas des femmes qui n'ont PAS une
sexualité normale.
Etre frigide, vis-à-vis des femmes qui vivent pleinement leur sexualité, c'est très humiliant, parce qu'on se sent "amoindrie", quelque chose ne fonctionne pas chez nous, quelque chose qui a l'air "naturel" chez les autres. On se demande ce qu'on fait de mal, on a l'impression de ne pas mériter. Et surtout on est impuissant face à ça parce qu'on ne sait pas quoi faire.
En plus ça a l'air d'être quelque chose de génial. Un
peu comme si on ne sentait pas le goût des aliments à un repas de Noël
préparé par votre Mamie, ou si on voyait tout le monde rentrer à
DisneyLand pendant qu'on restait sur le Parking, enfermé dans la Golf sans chauffage ni radio...
Qui ne voudrait pas aller à DisneyLand???
* SI UNE FEMME NE JOUIT PAS C'EST UNE "COINCÉE"
Dans
notre société, en particulier chez les femmes, le plaisir est valorisé.
Une femme DOIT "se faire plaisir", quand elle est au lit avec son mec,
mais aussi quand elle mange un Yaourt (c'est tellement génial hahaha!) ou une salade dans une pub, et puis quand elles boivent de l'eau alors là ça devient carrément indescent.
Hihihi c'est trop bon la salade! Mais l'eau c'est compliqué à boire jm'en fous partout!
La jouissance est importante, il faut "profiter à fond". Le sexe est partout, la jouissance explicite. Dans
ce contexte, quelqu'un d'impuissant / frigide se sent forcément
"handicapé". Sauf que ça ne se voit pas, et que si c'est une femme, on
va avoir tendance à la blâmer, comme si c'était elle qui ne voulait pas,
qu'elle le faisait exprès, parce qu'elle est aigrie, coincé, qu'elle a "un balais dans le cul".
Mme Mangin, au sommet de l'extase
Je
vais vous dire, j'ai tout essayé. Je ne suis pas spécialement
"coincée". Ne ressentant pas de plaisir, je me suis toujours concentrée
sur le plaisir de mon partenaire - surement pour compenser, ou par honte
de mon propre problème, pour le cacher. Mais en conséquence, j'ai un
peu tout testé, j'ai été avec des hommes, avec des femmes, seule, à
deux, à trois, à quatre pattes, à genoux, au dessus, en dessous, j'ai été
soumise, j'ai dominé souvent, avec ou sans accessoires, sobre, saoule,
droguée, sauvagement ou avec tendresse, rapidement ou pendant des
heures, chez moi, dans des ascenseurs, dans des voitures, et dans des
lits avec des hommes avec qui j'avais une relation longue et stable
(quand même).
Bref, j'ai bien travaillé. J'ai bien fait tout ce que la société m'a dit, à savoir "faut te lâcher", "détends-toi" (Merci j'y avais pas pensé).
Bref, j'ai bien travaillé. J'ai bien fait tout ce que la société m'a dit, à savoir "faut te lâcher", "détends-toi" (Merci j'y avais pas pensé).
QUOI??? J'ai pas l'air détendue là?!?
J'ai
aussi fait une thérapie, pendant 4 ans, avec un psychiatre / psychanalyste plutôt réputé. J'ai vu un sexologue avec mon ancien
compagnon. Pour info le titre de sexologue n'est pas protégé. Du coup la
première fois on est tombés sur un pur charlatan, et la seconde fois
sur un médecin qui devait penser qu'il suffisait de "pratiquer" pour
pouvoir enseigner...
J'ai
souvent les larmes qui me montent aux yeux quand je pense au fait que
c'est fini, que je ne peux rien faire de plus. En plus, comment avoir une relation avec un homme dans ce contexte?
Vous
n'avez pas idée de la honte que c'est lors du premier rapport quand
rien ne vient qu'on essaie de cacher qu'on est pas un "bon coup", une
fille "qui s'éclate au lit" (et je le comprends), que lors du second on
essaie de trouver une excuse, puis soit par la suite le mec s'en fout et
fait sa petite affaire "sans vous" en quelque sorte (il ne se soucie
plus de savoir si vous prenez du plaisir, il ne fait plus aucun effort),
soit il faut avouer. Et là vous savez que c'est fini entre vous puisque
ça signifie que vous allez simuler, ça n'est pas viable. La solution
complémentaire c'est de ne plus rappeler le mec et de le quitter sans
trop d'explications dans l'espoir de conserver le peu qu'il reste de
votre fierté.
C'est
donc beaucoup de solitude, de tristesse et de honte dans tous les cas.
C'est un peu comme si vous étiez à l'école, que tous les matins vous
deviez passer un examen et que vous étiez le seul à le rater tous les
jours jusqu'à la fin de l'année scolaire, alors que certains y
arrivent du premier coup, puis d'autres et encore d'autres, puis il ne
reste plus que vous et tout le monde vous regarde comme une attardée,
mais vous allez encore devoir le repasser demain.
Une amie m'a dit un jour que je n'étais pas frigide mais "au congélo". J'espère que c'est vrai.
J'écris
ce blog pour moi, mais j'espère qu'il résonnera chez toutes les femmes
comme moi, toutes les "coincées" qui ont tout fait, qui sont au bout du
chemin, qui n'entrevoient plus aucune solution. Et puis je l'écris aussi
pour les autres, pour tous ceux et celles qui ont jusqu'à trois orgasmes
par rapport, pour que vous compreniez qu'on est pas des "feignants du
sexe", qu'on est vraiment impuissants face à ça. Enfin j'écris pour tous
les décideurs en général, pour les médecins, les entreprises
pharmaceutiques, les psy, etc. pour que la société en général
s'intéresse au problème, qu'elle ne pense pas que nous l'avons "choisi
inconsciemment" et que ça nous convient. Pour qu'on étudie notre
problème et qu'on lui trouve des solutions.
Dany
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